Publié par : Xavier Bordes | 17 février 2022

Décès de Michel Deguy


16/2/2022… La gorge trop serrée pour aucun commentaire.

 

Métamorphose apollinienne

.                               Au poète de Gisants

Les arbres au jardin sont indifférents
à nos peines et des nuages de fleurs
printaniers y fleurissent comme si
quelque part se préparait un mariage

Le soleil devient flou et sa lumière
se brise dans nos larmes et celles
de la rosée car en secret la nature
poétiquement s’associe à nos chagrins

Ceux qui sont partis ne reviendront
pas sinon au pays de nos souvenirs
Qu’importe le lyrisme déchirant
et sentimental puisqu’il n’y a plus

personne et que nous ne serons
bientôt nous-mêmes que des noms

 

 

Parole de survivant

.                                 aux Mânes de Michel D.

Un ami poète défunt
c’est une langue qui s’éteint
c’est une civilisation qui disparaît
c’est un arrachement terrestre
et un rétrécissement du Tout
mais aussi d’un peuple
qui nous fut si précieux
qu’on en mesure la part perdue
à la dose trouvée
de souffrance muette

 

 

« Commaison »*

Ah si le ciel pouvait être
ce qu’il fut jadis : un toit
pour le monde humain

Ce rêve d’une maison
commune qui assurerait
la survie de la tribu Homo,

comme il est prégnant !
Comme il est contraire
à l’avenir qui se profile !


* Néologisme de Michel Deguy.
(« La commaison » Ed. L’extrême contemporain.)

Publié par : Xavier Bordes | 22 mars 2023

Usure pour un destin


Usure pour un destin

Tu ne te pardonnes jamais ; avances à travers, seulement ! Bienvenue au désastreux passé, à l’avenir tout aussi désastreux.
                                                                                        *
Je ne loue point les monstres sacrés. Leur rage de stars ne vaut pas un chaleil. Leur gloire non plus.
                                                                                        *
L’acuité, le tranchant aigu dans ta vérité formulée, pour découper la fractale silhouette d’une réalité.
                                                                                        *
Mes mots n’inventent pas. Ils fixent du regard, buses de l’azote azuré.
                                                                                       *
Tout ce que tu auras poétisé vivant, détaché dans le noir, t’a nourri, courtilière ambiguë !

Publié par : Xavier Bordes | 22 mars 2023

Iris bleu de Sibérie


Iris bleu de Sibérie

Par la violence extravagante du parfum, le bleu violet de l’iris amplifie son paradis.

Publié par : Xavier Bordes | 22 mars 2023

Autodafé


Autodafé

Tel un flâneur qui piétine
sur l’humus jonché de feuille sèches
d’une forêt presque dépouillée
par l’automne finissant

lui se perd parmi les textes entassés
qui n’attendent que de s’élever
en fumée bleue au-dessus
d’un feu noir présage d’hiver

tandis qu’un monstre de vapeur
à l’horizon ronge un astre rouge

Publié par : Xavier Bordes | 21 mars 2023

Ezra, Nona et l’Égypte antique


Ezra, Nona et l’Égypte antique

Papyrus encre et calames
pour la beauté des hiéroglyphes
Les peintures des hypogées
Le mystère du Chien Noir
Les fouilles et momies de Saqqarah
Les parfums des pharaonnes
Petit Ezra connaît tout cela
par coeur Que de discussions
à perte de vue avec sa Nona
qui a le même port de cou

altier que la noble  Néfertiti !

Publié par : Xavier Bordes | 21 mars 2023

Points cardinaux, zénith et nadir…


Points cardinaux, zénith et nadir…

Princesse au bois dormant, étoile endormie, fillette aux cheveux d’or, galopin à la fronde, fleurs de lys, diamants de rosée, les mots charment étonnamment la pensée.

Sur l’écran qui serait de neige, des lettres suffisent à tendre la silhouette d’un paysage, avec horizon dentelé de villages, remuement de verdeurs marines, traces d’oiseaux.

Les méandres changent insensiblement, se déplacent avec les saisons, prennent des raccourcis en cas de crue, s’attardent à détailler parfois les reflets des nuées. Que d’années écrites !

Penché sur tes songes, front posé contre ta paume, accoudé au bureau de la nuit chargé de livres et de papiers, pense-bêtes ou brouillons embrouillés, tu calcules ta lassitude.

C’est l’élan vers la cime de l’air que rêve d’emprunter l’écriture, voisine par le roseau de la flûte à encoche consacrée au soleil, lui seul capable de rayonner au-delà du respirable.

Faut-il rassembler en troupeau les questions, les parquer en un solide enclos pour bisons sauvages, déléguer notre inconscient à leur discret entretien, et penser à autre chose ?

Publié par : Xavier Bordes | 21 mars 2023

Yarawi en poncho


Yarawi en poncho

Flûte tu réclames
l’essor de l’âme

Pouls du bombo
Chuño Altiplano

La vigogne et l’alpaca
Ont vêtu les Incas

Pics de neige et de sel
sur l’indigo du ciel

Les échos répercutent
l’âme de la flûte

Publié par : Xavier Bordes | 20 mars 2023

Chez Mémère Louise – IV


Chez Mémère Louise IV

On aperçoit les boules sombres
des nids à travers les ramilles hautes
des grands arbres du square à l’angle
de l’ancien couvent Triste mois de mars
Mais en secret les premiers bourgeons
commencent à poindre et les pigeons
à prospecter entre les tables des terrasses
Trop de vent pour un chocolat dehors
Au feu rouge un bus hybride affiche
des placards gris pour Marie-Claire  
et pour un insolite SAGE-HOMME
Le feu passe au vert et l’engin démarre
tandis qu’un barbu à lunette le regarde
l’air perplexe en se grattant la barbe…
Se retourne et disparaît tandis que dans
la salle où je patiente un serveur a mis
en sourdine une rengaine désuète du
passé sur une radio et rince des verres
Me revient l’exclamation de Laforgue
«Ah, que la vie est quotidienne !»
Cependant chaque jour plus proche
la perspective de quitter notre monde
me rend extraordinaire la si banale
réalité de l’instant présent, au cours
de laquelle j’attends Aïlenn en me disant
que naguère encore durant cette attente,
en m’ennuyant j’eusse rongé mon frein !

Publié par : Xavier Bordes | 20 mars 2023

Sonnet fictif en prose


Sonnet fictif en prose

Brûlante sérénité ! Accablements du coeur ! Si ce mot a un sens réel certes ! L’ataraxie n’est-elle en vrai qu’affaire d’hormones ? Il se pourrait bien ! Que de mots donnent l’existence à ce qui est dépourvu d’être ! Dragon, ange, démon, âme, dieu, etc. Autant de signifiants aux référents hypothétiques, passablement improbables. En tout cas dans la représentation qu’en font les cultures des ethnies humaines !

Il irait-il de même pour les énoncés en poèmes ? Quelle désorientante aptitude que celle de la parole ! Elle offre des possibilités, avec du semblant, d’enrichir ce qui est, pour en faire de la « réalité ». Irréelle réalité, qui n’est pas le vitrail mais seulement la lumière du vitrail. Qui n’est pas le mistral mais seulement l’élan du mistral ; qui n’est pas la pinède mais le murmure constant et doux de l’invisible dans les pins…

Toute une vie, toute une vie tu auras attendu pour voir ton Anadyomène transmutée en essence de beauté poétique ! Pour toi le langage est une eau dont varie le taux de sel en fonction de la part d’amour qui, comme une fille de Loth dont la satue eût été jetée en mer, s’y trouve diluée.

L’imagination aidée de la salive érotique de baisers que Guillaume a dits « florentins », agit à la façon du saunier qui s’aide du soleil, buveur de transparence, pour cueillir aux miroirs la fleur minérale, à peine rose, immaculée, et l’accumuler en suite de pyramides, symboles d’éternité !

Publié par : Xavier Bordes | 20 mars 2023

Moires de mémoire


Moires de mémoire

Sous les portiques de Chirico, le couchant secoue la mer pleine de paillettes d’or, batée étincelante. On dirait ce retour de Tanger, quand nous longions la blanche Asilah, dont toutes les rues dévalent vers l’émeraude du petit port de pêcheurs. À ma droite le profil d’Aïlenn, illuminé de silence, observait par la vitre de l’auto la foule des ombres fixes ou mouvantes qui bleuissaient l’atmosphère du soir.

La mémoire ainsi fige nos vies en clichés archétypaux, qui deviennent le spectre héraldique de nos fugaces félicités, alors éternisées. Désormais les voici qui, à tous les spectacles analogues vécus par la suite, superposent l’impression alors ressentie. Même un demi siècle après, la vision reste fraîche comme un pan de neige printanier qui s’obstine, en dépit des vents étésiens, au flanc de la montagne.

Il arrive qu’une chanson, aux paroles souvent indistinctes, accompagne en écho ce genre de réminiscences. Ou que ce soit un parfum de pin sylvestre, d’autres fois de fenouil ou de serpolet, dont la chaleur traverse un paysage oublié, à moins qu’elle tiédisse la nuque de l’amoureuse où crolle un frison doré comme un baiser. Et c’est le moment d’engluer en mots ces hirondelles de nos rares bonheurs.

Publié par : Xavier Bordes | 19 mars 2023

Quatre pas d’argent


Quatre pas d’argent

Étrangement, la vie dont je n’imaginais plus  d’attendre rien, m’aura submergé de dons vivants que je n’avais jamais espérés.

Cette porte vide qui bat au rythme du vent, sur quelle prodigieuse demeure s’entr’ouvre-t-elle, au fond des forêts du rêve ?

Au bord des mers d’Italie, je t’imagine, Beauté blonde, comme un souvenir mếlé de Nerval et de Botticelli, qui mords dans un cédrat !

Plages précieuses où sur les galets n’ont pas encore séché les pas humides d’Aphrodite, pure lumière tout juste sortie du vert des vagues…

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