Séléné
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Croisée en allant chercher mon pain, fugitivement : une passante restée assez avenante, grande, aux yeux un peu flétris de femme qui s’est résolue à ne plus croire au prince charmant…
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Elle avait, vous jetant un bref regard, l’expression triste, désabusée, de ces grands enfants à qui l’on vient de confirmer que le Père Noêl n’existe pas, et qui se demandent pourquoi on leur a menti.
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Un instant je me suis retourné, avec le sentiment d’être benêt, pour la regarder s’éloigner. Voulais-je vérifier si, de dos, sa silhouette n’avouait pas un manque de grâce, une nuque vaguement bovine ?
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C’était le cas. Épaules à peine affaissées, cheveux assez courts, un subtil manque d’intelligence doublé d’une sensualité oscillante, animale, à la chute des reins : elle s’est confondue dans la foule au feu rouge du carrefour.
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Avec la manie que j’ai de ravauder mes souvenirs, m’est revenu le poème de Baudelaire… Nous différons fort : quoique, à première vue, pareille figure féminine m’ait intrigué, jamais je n’eusse pu aimer sa face cachée.
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