Retour de l’écureuil

Retour de l’écureuil

C’était tout à fait comme dans les fables
d’un poète des plus admirables,
aujourd’hui hélas très souvent oublié
de nos modernes écoliers,
j’entends : le sieur de La Fontaine !
Or, j’allais pour cueillir quelques brins de verveine
fraîche, avec le souhait subit d’agrémenter
d’une saveur de nouveauté
mon thé.
Il fait un temps radieux pour un matin d’automne.
Au loin les monts sont bleus. Un clocher carillonne,
qui suscite au secret fouillis
des buissons alentour, dix mille gazouillis.
Le cristal de ce choeur m’enlève dans un songe
lequel une minute se prolonge
quand j’entrevois, furtif, du coin de l’oeil,
le mouvement gracieux d’un écureuil.
Il cherchait dans un pin (celui dont le fût penche),
à saisir quelque pigne au revers d’une branche.
D’émotion, je n’ai plus bougé ;
lui aussi s’est figé.
C’est alors qu’à mon oreille incrédule
me parvient un murmure acide et minuscule :
« – N’approche plus d’un pas, sinon je vais m’enfuir.
Ou bien te bombarder de pignes à plaisir,
ainsi que l’autre été… – Je m’en souviens bien », dis-je,
mais non sans ressentir comme un léger vertige
du fait discuter avec un animal :
« Reste donc zen, moi je ne te veux aucun mal ! »
L’air de douter si l’on pouvait me croire,
il lève sa fine main noire
où hésite un moment une pomme de pin…
Me voyant pacifique, il se ravise enfin :
« – Admettons ! Vous, humains, vous êtes si bizarres…
Votre humeur change ainsi qu’au vent font les samares !
On ne sait jamais quand vous êtes bien lunés
ni comment avec vous les choses vont tourner ! »
J’arguai que c’était là un jugement sévère,
et qu’il restait quelques braves gens sur la terre.
« – Peut-être es-tu moins mauvais que je n’avais cru… »
Observa-t-il pensif en épluchant sa pigne.
Il jeta le trognon, me fit un petit signe,
ébouriffa sa queue et disparut…
Un instant de bonheur ! J’avais eu de la veine,
Me dis-je en achevant de cueillir ma verveine.
Sur ce constat, je partis concocter mon thé.
Mais je me gardai de rien raconter !